L'acoustique musicale (2013)

Une page d'histoire racontée par Marc Zbinden 

L'histoire de l'acoustique musicale débute au VIe siècle avant J.-C. avec Pythagore, puis Euclide, qui fondent sur une approche mathématique l'étude des propriétés des sons musicaux. 

Pythagore

Pythagore

Euclide

Euclide

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La "hauteur" d'un son est caractérisée physiquement par sa fréquence  f  ; "l'intervalle" entre deux sons, perçu comme leur différence de hauteur, est le rapport de leurs fréquences. La fréquence fondamentale de vibration d'une corde tendue dépend de sa longueur L, de sa tension T et de sa masse par unité de longueur µ, et l'on a :

 La vibration de la même corde, mais de longueur moitié, donne une fréquence double, c'est l'octave, reconnue par l'oreille comme la "même" note mais plus haute. Si l'on prend les 2/3 de la longueur on obtient la quinte dont la fréquence vaut 1,5 fois la fréquence fondamentale. Le rapport des fréquences est inverse de celui des longueurs.

La suite de ces considérations conduit à l'établissement des échelles musicales, tâche complexe à laquelle se sont confrontés au cours de l'histoire musiciens et théoriciens, avec la question délicate du tempérament, visant à obtenir le meilleur accord possible pour les instruments à sons fixes (cas du piano par opposition au violon). À ces études s'attachent les noms de Zarlino, Bach, Rameau et de physiciens tels Sauveur, Savart, Helmholtz. [1]

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Le but de la manipulation que décrit la gravure ci-dessous, extraite de l'ouvrage [2] édité en 1891 (et trouvé dans une brocante à Forcalquier !), est de visualiser les vibrations sonores émises par un violon, afin d'en étudier les propriétés, en premier lieu la "hauteur".

Un son "pur", émis sur une fréquence unique, se traduit graphiquement par une courbe en forme d'onde régulière : la sinusoïde. Mais un son pur paraît fade à l'oreille, dépourvu de timbre. Ce qui fait la richesse du timbre d'un instrument, et qui le caractérise, ce sont les harmoniques c'est-à-dire des vibrations dont les fréquences sont des multiples de celle du son fondamental. La présence des harmoniques déforme la sinusoïde qui représente le son pur. L'analyse harmonique s'attache à étudier l'amplitude (et la phase) des différentes fréquences présentes dans un son.
Leur représentation sous forme d'un graphique fréquence/amplitude s'appelle le spectre du signal sonore.

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 Le dispositif expérimental comporte un violon sous le chevalet duquel est placée une petite lame de laiton reliée à un fil métallique long et fin supporté par des anneaux de caoutchouc, l'autre extrémité du fil est soudée à un clinquant portant une plume qui s'appuie sur le cylindre enregistreur enduit de noir de fumée. Les vibrations du violon sont ainsi transmises jusqu'à la plume. Un diapason, muni également d'une plume sur l'une de ses branches, fournit une base de temps qui affranchit d'éventuelles irrégularités dans le mouvement de la manivelle tournée par l'opérateur. La comparaison des courbes produites par le diapason et par le violon permet de déterminer le rapport des fréquences et, celle du diapason étant connue, d'en déduire la hauteur de la note émise par le violon, et même, en examinant la forme de la courbe, d'évaluer les premiers harmoniques.

Mathématiquement, c'est la transformation de Fourier qui permet d'obtenir le spectre d'un signal périodique à partir de son expression temporelle. Aujourd'hui, avec les développements de l'électronique et de l'informatique, la numérisation des signaux musicaux et les algorithmes de transformée de Fourier rapide fournissent des outils puissants qui ouvrent de riches possibilités, mises en œuvre notamment par l'IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique).

Premiers enregistrements musicaux !

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Voici la description de cet imposant dispositif d'enregistrement : Un cornet de grandes dimensions capte les fluctuations de pression engendrées par les vibrations des cordes du piano. À l'autre extrémité se trouve une membrane solidaire d'un style qui vient détacher un fin copeau sur un rouleau recouvert de cire. Les vibrations transmises au style se retrouvent dans les méandres du sillon gravé. Le rouleau est animé d'un mouvement de rotation et le style est entraîné en translation par une vis. La cire doit présenter des propriétés bien définies pour permettre ensuite la reproduction.

La restitution des sons s'obtient grâce à un fonctionnement inverse de l'appareil : une aiguille suit le sillon gravé sur le cylindre, ses vibrations excitent la membrane qui crée des fluctuations de pression acoustique transmises par l'air contenu dans des tuyaux jusqu'aux aux oreilles des auditeurs (au nombre de 6 avec l'appareil représenté ci-dessous, où les "écouteurs" ressemblent à ceux d'un stéthoscope). Un pavillon peut aussi s'adapter sur le dispositif de lecture, autorisant une écoute plus confortable. Un appareil de ce type est en démonstration au Musée des Arts et Métiers, à Paris.

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Plus tard viendront les disques 78 tours, d'abord en restitution purement acoustique sur les "phonos", puis successivement, les microsillons "vinyles" avec les électrophones munis d'amplificateurs électroniques, les magnétophones utilisés en analogique puis en numérique (DAT : Digital Audio Tape), les CD et les MD (Compact et mini-disque) et, aujourd'hui, les appareils qui enregistrent le signal numérisé directement sur des mémoires informatiques, disques durs ou cartes SD (Secure Digital).

Ainsi l'excellent petit enregistreur stéréo dont disposent les Rencontres Musicales (ZOOM H4N, publicité gratuite) numérise-t-il la musique au standard des disques CD : échantillonnage à 44,1 kHz (afin de disposer d'une bande passante qui couvre les performances de l'oreille humaine) et quantification sur 16 bits (ce qui donne un rapport signal/bruit très convenable, mais l'appareil permet de "monter" jusqu'à 96 kHz et 24 bits), et c'est beaucoup mieux que le MP3, très à la mode mais qui "compresse" le signal et l'appauvrit.

Ne nous moquons pas des dispositifs anciens : il a fallu beaucoup d'ingéniosité pour les mettre au point, ils ont contribué au progrès des connaissances et certains, plus que centenaires sont encore capables de fonctionner, mais la qualité sonore est bien loin de ce qu'on obtient aujourd'hui ! Cette longévité ne sera sans doute pas atteinte par les appareils actuels qui seront rapidement supplantés par de nouveaux modèles, posant à chaque innovation technologique la question de la conservation des enregistrements précédents.

 Références :

[1]  Histoire de l'acoustique musicale, Serge Donval, éditions Fuzeau, 2006, 221 pages.

[2]  Physique Populaire, Émile Desbeaux, Ernest Flammarion éditeur, 1891, 835 pages,

      Ouvrage couronné par l'Académie Française. 

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