« Suivez le chef ... » (2013)
Dans son émission « Suivez le chef » rediffusée le vendredi 30 août sur France Musique, Stéphane Grant interrogeait Yannick Nézet-Séguin, jeune chef québécois qualifié par « The Independant » comme « étant certainement le talent le plus extraordinaire de sa génération ».
Probablement un très grand chef à venir.
Il est actuellement :
Directeur musical de l’orchestre de Philadelphie.
Directeur musical de l’orchestre Philharmonique de Rotterdam.
Chef invité du Philharmonique de Londres.
Directeur artistique et chef principal de l’orchestre de Montréal.
Jean-Guihen a joué sous sa direction avec l’orchestre de Rotterdam pour une tournée en Chine en juin dernier. Il a été totalement enthousiasmé par cette collaboration avec lui.
Dans cette émission « Suivez le chef... » Yannick, dans son langage québécois, déclarait :
« Il est important pour le public de sentir que les musiciens et les chefs sont des gens humains, qui ont des émotions, des états d’âme, une histoire, des embûches, des succès et c’est là peut-être la ligne assez délicate. En même temps, c’est important de montrer à ce public que même si on est des humains comme tout le monde,‘ça prend des attitudes quand même assez spéciales’ pour faire ce qu’on fait. Mais je suis d’avis qu’on va montrer à quel point que ce qu’on fait encore plus lorsque les gens peuvent goûter un petit peu à ce qu’on fait en disant : « Mon Dieu, il y a tout ça derrière... », des répétitions ouvertes, des ateliers, etc...
Autrement dit, c’est utile de montrer au public tout ce qui doit se passer avant un concert : travail, répétitions, discussions, réflexion... pour qu’il puisse prendre conscience que ce qu’on fait est tout de même assez spécial et comporte des exigences assez particulières.
...
Parler au public avant les concerts, c’est important. Parler, c’est se rapprocher des gens, c’est enlever l’aspect coincé de notre monde. Être en silence dans une salle, goûter les œuvres, goûter la ligne de pensée d’un compositeur, d’un chef-d’œuvre, c’est pour ça qu’on demande le silence. Mais, à tort, souvent les gens pensent « Oui, on est là ; noir et blanc, ils font leur truc, ils s’en fichent qu’on soit là ou pas ». Parler, c’est donner un certain lien, ce lien est bien peu de choses, mais il contribue à faire que l’électricité qu’on veut vivre au concert est présente.
Alors toutes ces choses : parler aux gens, faire plus d’interviews, parler aux media, ouvrir les répétitions, c’est excellent. Quand les gens viennent dans nos salles, il faut qu’ils puissent vivre un grand moment et ça c’est le plus important, faut jamais le perdre de vue. »
Ces paroles pleines de simple humanité m’ont beaucoup fait penser à ce que depuis 31 ans, nous avons essayé de réaliser aux Rencontres :
- Faciliter le lien entre le public et les musiciens, montrer à la fois leur côté humain universel et la facette « spéciale » engendrée par les exigences de leur métier de musiciens et leur état d’artistes.
- Ouvrir les répétitions pour permettre à ceux que ça intéresse de prendre conscience du fait que l’interprétation est le résultat d’un travail minutieux et exigeant musicalement et humainement avec la mise en place d’une vision globale et détaillée d’une œuvre. Le public peut percevoir les musiciens à la fois dans leur métier d’artiste et dans leur comportement humain.
Je me souviens des réticences compréhensibles des musiciens lorsque nous avons suggéré, il y a bien longtemps, que des répétitions puissent devenir publiques. Les musiciens n’avaient pas alors la maturité qu’ils ont acquise aujourd’hui. Il m’a fallu insister et batailler pour en faire accepter le principe dont tout le monde aujourd’hui se félicite.
- « Il faut parler au public » dit Yannick Nézet-Séguin. Chaque année, je me pose la question : « Est-ce que les présentations que nous assurons, les musiciens et moi, sont utiles, acceptables, intéressantes... » Ce que dit ce chef à ce sujet conforte le choix que nous avons fait, même dans son imperfection. Plusieurs personnes ont exprimé, sous différentes formes et à différentes époques, ce qu’ils ressentent aux Rencontres. Je cite l’une d’entre elles : « Tous les ans nous faisons la différence entre les Rencontres et d’autres festivals auxquels nous assistons. Souvent il manque ce quelque chose que l’on trouve aux Rencontres : cet esprit, cette simplicité, cette joie des musiciens qui se donnent totalement... »
C’est tout un ensemble : musiciens, bénévoles, public, qui fait que les Rencontres sont ce qu’elles sont et qu’elles continuent de l’être. Continuons à travailler dans ce sens pour que « lorsque les gens viennent dans nos salles, ils puissent vivre un grand moment. »
Jean-François Queyras