Ainsi la pluie ... (2016)
Compte-rendu d'une "rando particulière" : 29 mai 2016.
Jean-François Queyras
Sixième concert-randonnée des Rencontres Musicales de Haute Provence :
« AINSI LA PLUIE... »
En paraphrasant Henri Dutilleux (Ainsi la nuit...), je voudrais évoquer ce sixième concert-randonnée qui, au vu des circonstances météorologiques particulières, a pris une tournure aussi singulière qu’inattendue...
Adieu la longue et minutieuse préparation qu’avec Hubert et Geneviève Blond nous avions effectuée sur trois journées en arpentant sentiers et piste de la Montagne de Lure. Il risque de pleuvoir !
Trois jours : Une première journée avec la découverte d’un magnifique parcours qui, à terme, se révèle trop long et trop ardu. Une deuxième recherche pour trouver une meilleure voie de descente nous amène dans une combe infernale pentue, glissante, bardée de branches et de troncs tombés. Impraticable. Et une troisième avec, enfin, le chemin idéal, agréable et équilibré.
Adieu cette belle voie, la pluie arrive !
Adieu les deux lieux magiques prévus pour les moments de musique, le premier face à une vaste vue des Alpes à la Durance, l’autre dans l’intimité d’un hêtre séculaire. Deux endroits pas faciles d’accès. Oui, adieu, il va pleuvoir !
Les prévisions météorologiques sont exécrables. Pas question de risquer la moindre averse sur les quatre violoncelles de la ballade de la balade ! Une solution de repli doit être trouvée.
Mercredi 25 : Station de Lure. Nous demandons à Audrey de la Sauvagine si nous pouvons nous réfugier dans son restaurant. À cause de sa clientèle habituelle des dimanches, elle est un peu réticente et nous suggère de demander à la Communauté de communes l’usage du « Caillou », ce nouveau bâtiment construit pour l’accueil des randonneurs, skieurs et lugeurs. Retour immédiat par Charembeau pour rencontrer André Berger vice-président de la Comcom qui nous donne un accord de principe confirmé le lendemain par Fanny Planche chargée à la Comcom de la gestion du « Caillou ».
Jeudi 26 : Remontée à la station. Visite des lieux, heureuse surprise. Récupération de la clef et du code d’accès.
Samedi 28 : À nouveau à la station. Aménagement de la salle, prévisions de la journée et reconnaissance de deux parcours pédestres possibles pour le cas où la météo permettrait un moment de marche... Tout reste au conditionnel. Nous renonçons au parcours initial. Maintenant il faut qu’il pleuve sinon personne n’y comprendra rien.
La nuit est agitée. Je me lève à trois heures... Ouf, il pleut !!!
Dimanche 29 : Il pleuviote. Au sommet de Lure, un épais brouillard étouffe le paysage. À part sept absents, sans doute effrayés par le temps, les inscrits, dirigés directement vers la Station de Lure, sont tous là, interrogatifs mais confiants. Heureuse découverte du « Caillou » intérieurement séduisant mais dont l’architecture extérieure est quelque peu desservie par une couleur de crépi peu avenante... !!! Heureusement il est sombre sinon, dans le brouillard, on risquait de ne pas le trouver !
Premier moment de musique : La salle est très claire. Les grandes baies vitrées ne nous révèlent que le brouillard et un rideau de pluie. Mais tout se concentre. Boismortier, Fauré, Haydn, Bloch, Haendel, Grieg, Strauss... Le son, la proximité avec les musiciens, la diversité du programme, l’intensité de l’interprétation, la simplicité, l’humour, la décontraction, les chaises musicales et l’émotion aussi, intense... tout concourt à la magie de ces instants exceptionnels. Nous sommes tous pris. La concentration est extrême, les visages rayonnants.
Il pleut encore ! Pas question d’aller marcher pour le moment. Avec Véronique Marin, Diana Ligeti, Raphaël Perraud, et Michaël Tafforeau, nous amorçons un échange spontané. Nos quatre musiciens, en se présentant évoquent leur activité pédagogique, la formation qu’ils ont reçue, celle qu’ils essaient, en tant que professeurs, de mettre en pratique : technique, artistique, psychologique, humaine simplement... Suite à une question de Bertrand, c’est l’histoire de leurs instruments qui nous est contée, la relation avec ce compagnon de tous les jours qui est bien plus qu’un simple outil. Passionnant, révélateur. Nous percevons ce qu’est leur vie dans toute sa diversité comme interprètes, pédagogues, artistes, femmes et hommes vivants et attentifs. Et l’échange est conclu par Michaël qui nous offre un incroyable tour de magie dont il a le secret.
Quoi qu’il arrive, la journée est gagnée. Quelque chose est passé que nous n’oublierons pas.
Pique-nique à la Sauvagine, à l’abri. Une façon de remercier Audray qui nous a orientés vers ce lieu qui se révèle idéal pour ce genre d’échanges.
Deuxième moment de musique : d’Offenbach à Carmen de Bizet en passant par Tortelier, Popper et des ragtimes, le miracle continue à tel point que les nuages commencent à s’alléger et vont permettre à ceux qui le souhaitent, une bonne marche, partie intégrante de cette journée aussi aléatoire qu’inattendue qui s’achèvera autour de quelques biscuits et d’un verre de jus de pommes.
« Ainsi la pluie ».
Elle nous a amenés à ouvrir des perspectives qui peuvent se révéler utiles pour les années à venir... De quoi réfléchir.
Merci la pluie, diront certains !